Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 10/23

C. Dolbeau
A partir du milieu du XIIIe siècle, la Sorbonne devient un pôle d'attraction culturel et religieux auquel les jeunes clercs croates (dominicains et franciscains) ne restent pas indifférents. Les archives de la vénérable université révèlent, en effet, que beaucoup d'entre eux viennent y faire leurs études ou y parfaire leurs connaissances (40). Parmi les plus connus, citons Augustin Kazotiæ (futur évêque de Zagreb et adversaire de Charles-Robert d'Anjou, béatifié en 1702), Paulus Nicolaï de Sclavonia (qui se querelle pendant dix ans avec l'administration de son collège), Iohannis de Ragusio ou Ivan Stojkoviæ (futur cardinal, adversaire des Hussites et disciple de Gerson, partisan de l'antipape Félix V, auteur d'un "Tractatus de Ecclesia"), Miho Dubrovcanin (Michel de Raguse), Juraj Dragisiæ (futur archevêque, défenseur de Pic de la Mirandole et de Savonarole) (41), Ludovik Crijeviæ Tubero (auteur des "Commentaria suorum temporum"), Petar Gucetiæ Dragojeviæ (futur évêque de Ston, surnommé "doctor illyricus"), Bonifacije de Stefanis Drkolica, Tranquillus Andronicus de Dalmatia, Michael Georgü de Traguario, Marcus et Benedictus de Syremio, Cosmas Symonis, etc. Certains y restent même pour professer, comme Benko Benkoviæ ("monarcha scientiarum"), Marijan Bondenaliæ ou Georges d'Esclavonie (42). En dehors de ces étudiants et de ces professeurs qui ont probablement contribué à diffuser la culture française dans leur pays, l'histoire retient également les noms de l'archevêque Ilija Saraciæ qui avait vécu en Avignon; s'y était lié avec Benoît XII (Jacques Fournier) et parlait le provençal, et celui du médecin français Garamond qui exerçait à Raguse (1322- 25). D'autre part, cette période angevine (1308-1382) voit se développer une certaine forme de francophonie en Croatie : "On retiendra, écrit Branko Franoliæ (43), qu'une sorte de langue hybride, appelée "lingua francogallica" ou "gallica" tout court a été parlée par un des quatre groupes linguistiques et ethniques dont se composait à cette époque la population de Zagreb".

En dépit de l'attrait de Paris pour les intellectuels croates, c'est tout de même l'influence italienne qui règne en maître de l'autre côté de l'Adriatique. C'est tout d'abord la vogue des "laudi" et des oraisons, celle des traductions adaptées de la "Legenda Aurea" de Jacques de Voragine ou des traités moraux comme le "Fiore di Virtù" de Tommaso Gozzadini. Petit à petit, toutefois, la geste française arrive en Croatie. "Les croates, remarque Deanoviæ (44), ont connu d'assez bonne heure les chansons de geste et les romans antique ou courtois de la littérature française médiévale, pour les adapter dans leur propre langue".

40. Cf. Les Croates et l'université de Paris au Moyen-Age, André Tuillier, in Annales de l'lnstitut Français de Zagreh, 1988, pp. 109-147 ; Un conflit entre un étudiant croate et l'université de Paris au XVe siècle, A. Tuillier, in Mélanges de la hihliothèque de la Sorhonne, vol. 7, pp. 37-104 ; Les Croates et les milieux intellectuelr parisiens aux XIVe et XVes siècles, A. Tuillier, in Croatica Christiana Perindica, Zagreb 1988.

41. Juraj Dragisiæ (Gregorius Benignus de Salviatis) a laissé une oeuvre importante dont les principaux titres sont les suivants : Logica nova secundum mentem Scoti et b. Tomae Aquinatis aliorumque (1480), Volumen de dialectica nova (1489), De natura coelestium spiritum guos angelos vocant (1499) et Artis dialecticae praecepta vetera ac nova (1520).

42. Appelé parfois Georges de Rain, Georges d'Esclavonie vint étudier à Paris à la fin du XIVe siècle ; retiré à Auxerre puis à Tours où il fut chanoine de la cathédrale, il est l'auteur du Château de la Virginité (imprimé dès 1505), d'un résumé de la Somme Théologique de Saint Thomas d'Aquin, et de diverses exhortations pieuses. Ses manuscrits sont conservés à Tours. Cf. A. Tuillier, op. cité, et Louis Léger, Georges d'Esclavonie, chanoine pénitencier de la cathédrale de Tours, in Revue des Bibliothèques, no 19 (1909), pp. 145-152.

43. B. Franoliæ, op. cité, p. VIII.

44. Les influences italiennes sur l'ancienne littérature yougoslave du littoral adriatique, in Revue de Littérature Comparée 1934, p. 30.

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