2. L'esprit humain ne peut passer à travers les tempêtes d'épreuves portant cette inextinguible espérance que grâce à la force de l'Esprit Saint. Cette force est donnée d'en haut (cf. Lc 24,59).

A Londres, tôt le matin du 22 juin 1535 montait sur l'échafaud l'évêque de Rochester, le cardinal John Fisher. Il fut condamné à mort par ordre du roi Henri VIII parce qu'il était resté fidèle à sa foi et à sa conscience. Il allait vers la mort en priant "Nous te louons, Dieu" et le psaume 31: "In te, Domine, speravi!" - "En toi, Seigneur, j'ai mon espérance!" Cette prière exprimait la paix de l'âme et l'invincible espérance inspirée par les Béatitudes de l'avenir éternel. (Die Heiligen in ihrer Zeit, Manz 1966, p. 187).

3. Lorsqu'en 1934, Alojzije Stepinac, prêtre de vie honorable, après un angoissant combat intérieur, eut accepté par obéissance la charge d'archevêque de Zagreb, voyant dans la décision du Pape la volonté de Dieu, le cri du psaume 31 "In te, Domine, speravi !" monta de son âme. Après cela le Nonce Apostolique lui écrivit: "Je vous remercie d'avoir consenti comme le bon Cyrénéen à accepter la brillante mais lourde et épineuse croix de l'Eglise de Zagreb" (Osservatore Romano, 11 février 1970).

Pour la première fois un évéque de Zagreb devant le tribunal

4. Nous croyons vraiment que dans l'histoire des neuf cents ans du diocèse, c'est-à-dire de l'archidiocèse de Zagreb, il n'y a pas eu pour le Pasteur de l'Eglise de Zagreb de période plus difficile que précisément ce temps avant la Deuxiàme guerre mondiale, durant la guerre et immédiatement après la guerre. Mgr Stepinac était le 72e évêque à la chaire des évêques de Zagreb. Mais pas un de ses prédécesseurs ne fut confronté avec des événements aussi terribles et aussi tragiques comme le fut le cardinal d'heureuse mémoire Alojzije Stepinac. Aucun de ses prédécesseurs n'est passé à travers une telle tempête d'épreuves, bien que les temps pour l'Eglise et pour le peuple fussent ici toujours difficiles. Il fut toujours un prédicateur conséquent de l'Evangile - de la plus sublime doctrine de l'amour - et il est accusé des, inculpations les plus graves comme ennemi de l'homme comme ennemi du peuple croate et même comme responsable des mal'heurs de l'Eglise. Cela s'est passé dans la seconde moitié de ce vingtième siècle; pour la première fois dans notre histoire, l'évêque de Zagreb fut traduit en jugement sous la monstrueuse inculpation d'être criminel.

Monstrueuse inculpation

5. On répète cette accusation sans cesse; ces jours-ci aussi elle a été renouvelée, devant le plus large public par la radio et la presse, par la personne qui porte la plus haute responsabilité politique dans la R.S. de Croatie. Nous sommes en 1981 mais nous devons toujours écouter le dur langage d'un passé assez lointain. Nous en sommes gravement et profondément offensés et comme Eglise et comme fils et filles du peuple croate, dans la patrie et à l'étranger.

6. Après des déclarations et des signes aux plus hauts niveaux qu'on désire tout de même faire des progrès sur le plan d'une plus grande estime mutuelle et d'un respect, plus véridique des droits et de la dignité de l'homme nous sommes de nouveau repoussés dans le passé. Bien que nous désirions voir devant nous un avenir plus clair, vers lequel, espérons-nous, l'histoire avance, même si c'est à pas pénibles et pesants, nous sommes de nouveau jetés dans l'obscurité de cette époque qui a laissé dans des millions de personnes des plaies profondes.

7. Nous répétons encore: une telle accusation est inacceptable; son autorité ne vient pas de la vérité mais de la force du pouvoir. En effet, un jugement objectif et juste sur ce sanglant drame de guerre ne peut être donné par une partie seulement dans ce conflit multiple. De tout cela l'histoire jugera. Sous le jugement de l' histoire nous pensons à l'analyse objective et juste de tous les faits, du contexte entier de l'événement qui a sa causalité et sa préhistoire. Sous le jugement de l'histoire nous entendons une approche scientifique des événements et des personnes, qui en dehors de toute propagande tendancieuse, de buts politiques et de règlements de comptes, recherche seulement la pure vérité pour obtenir un juste jugement et pour que toutes les choses soient mises à leur place. Les cas ne sont pas rares où le jugement de l'histoire a réhabilité beaucoup de personnes et proclamé innocents ceux que les divers tribunaux ont condamnés comme criminels. Finalement, tous les martyrs, depuis Jésus-Christ, sont jugés comme criminels. Et pour lui, le,plus innocent des justes, les accusateurs ont crié devant Ponce Pilate: "Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré" (Jn 18,30). Pilate jugeait aussi contre sa conscience.