Pour une fois aussi, le journal gouvernemental Vjesnik publia une note discrète et sans méchanceté sur l'état de santé du Cardinal.

L'opinion mondiale suivait de très près, avec inquiétude, tout ce qui le concernait.

Mais le 30 mai, les médecins constatèrent une brusque amélioration et le 2 juin, le curé de Krasic amena au Cardinal les petits enfants du village, qu'il aimait tant. Il put leur parler longtemps.

Par contre, le 9 juin, le Cardinal déclara au curé qu'il ne s'était jamais senti aussi faible, que jamais de sa vie il n'avait tant souffert. Mais il ne se plaignait pas.

Le lendemain, il lui dit qu'il se rnourait lentement. Le 12 juin, il recommença à dormir normalement et à avoir de l'appétit; il se sentait mieux. Le 17 juin, il passa la journée en prière.

Le 19 juin, il célébra la Messe dans sa chambre, ornée en conséquence.

Le 24, jour anniversaire de sa consécration épiscopale, le docteur Reisner déclara:

"Selon la science médicale, Son Eminence était sur le point de mourir. Comment a-t-il pu rester en vie? Ce n'est pas clair pour moi. Il a pu descendre dans le jardin et il était heureux de communier à nouveau avec la nature."Mgr Stepinac apprit avec grande joie la nouvelle que l'Archevêque coadjuteur, Mgr Seper, lui apportait à son retour de Rome, à savoir que le Saint-Père approuvait entièrement sa conduite.

Mais à la suite de la thrombose de la jambe droite, le Cardinal dut être opéré le 9 juillet. Le Saint-Père lui envoya un télégramme à cette occasion.

A la mi-juillet, son état de santé commençait à s'améliorer et il put célébrer la Messe dans sa chambre jusqu'en août. Il descendait aussi devant la maison pour parler avec les enfants.

La thrombose adoucie, il recommença à souffrir énormément des voies urinaires.

En août 1959, il dit au curé que sa vie approchait du terme, malgré les soins des médecins, et cela principalement parce qu'il était toujours en détention:

"Je ne peux pas librement me mouvoir comment être en bonne santé ?"

Sa grande joie était de rencontrer les petits enfants, ainsi que le bon peuple qui arrivait encore à venir le voir.

Souci de sa succession

Comme dès le début de son séjour à Krasic, l'état de santé du Cardinal s'était aggravé, nombreux étaient les prêtres qui se posaient la question de la succession.

En janvier 1954, le curé de Remeté avait envoyé dans ce sens une lettre au Cardinal qui lui avait répondu son intention de se pencher sur cette question; mais il lui demandait le plus grand secret.

Le 19 janvier, le Cardinal avait envoyé trois lettres au Vatican, par porteurs particuliers à cause de l'insécurité de la poste.

Au début de juillet, il prévint le curé de Remeté: "La chose est en cours"; il lui demandait encore la plus grande discrétion et sa prière.

Le 21 septembre 1954, Mgr Franjo Seper était consacré Evêque et nommé Archevêque coadjuteur.

Le Cardinal avait alors déclaré qu'il pouvait mourir tranquille puisque la question vitale de sa succession était si bien résolue:

"J'ai gardé cela secret, dit-il alors, et j'ai dit à Seper qu'il le fasse silencieusement. Deo gratias!"

Le sacre de l'Archevêque coadjuteur Franjo Seper ne fut pas mentionné dans la presse. Mais, dès la veille, les gens apprenaient la nouvelle et, le 21 septembre 1954, dès 9 heures du matin, 3 000 personnes: prêtres, religieux, religieuses, fidèles, étaient réunis dans la Cathédrale pour la grande cérémonie, qui se déroula avec simplicité. Pendant ce temps, le Cardinal passait presque toute la journée en prière.

"Je connais très bien Seper, disait-il, et je sais qu on ne 1 intimidera pas. Merci mon Dieu; je ne me suis pas trompé... il ne cédera pas... il aura raison... s'il le faut, il ira même en prison. Nous savons pourquoi nous y allons... "

Pie XII montra, en diverses occasions, combien il estimait le Cardinal Stepinac. Lors du jubilé des 1 300 ans de catholicisme en Croatie, Mgr Stepinac avait sollicité l'accord du Saint- Père, qui lui avait permis volontiers de le proclamer. La fidélité de Mgr Stepinac envers le Pape était exemplaire. Et le Pape lui vouait une grande affection. Lors de sa maladie, par deux fois, il lui envoya sa bénédiction et l assurance de sa prière.