Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 3/23

C. Dolbeau
Ambassadeurs mis à part, les voyageurs français continuent à transiter par les cités dalmates, comme Charles Philippe, auteur en 1532 d'un "Voyage de la Terre Sainte", ou encore André Thévet qui nous donne dans sa "Cosmographie du Levant" (Lyon, 1544) un portrait sans fard des Croates de l'époque : "Or sont les Esclavons gens de haute stature, écrit-il, et bien douez de ce que nature peut conférer pour rendre la créature belle en perfeccion, mais fort adonnez à gourmandise et yvrongnerie"(7).

De Louis XIII à la Révolution

C'est au XVIIe siècle que les Croates introduisent en France un élément vestimentaire populaire entre tous, la cravate... C'est, en effet, sous le règne de Louis XIII (1610-1643) que les maréchaux Jean de Gassion (1609- 1647) et Josias de Rantzau (1609-1650)(8) - recrutent pour l'armée française un régiment de hussards croates (9) dont l'uniforme comprend une écharpe blanche qui fera fureur à la Cour de France. Ce régiment de cavalerie légère recevra de Louis XIV, en 1666, le nom de "Royal Cravate", avant d'être dissous par la Révolution. Ce règne du Roi Soleil est d'ailleurs marqué par une intensification des relations avec une République de Raguse dont les émissaires recontrent souvent Mazarin.

Le 6 avril 1667, un tremblement de terre a totalement détruit la petite République dalmate dont les autorités adressent à toute l'Europe un appel de détresse ; Louis XIV répond le 23 juin "à nos très chers et bons amis, le Recteur et Conseil de la République de Raguse", mais toujours méfiant voire franchement hostile aux républicains, il n'accorde rien, invoquant pour justifier son refus les charges que lui impose la guerre d'Espagne. Raguse dépêche à Paris des ambassadeurs de marque, Antun Primoviæ (Primi) ou encore Stijepo Gradiæ (Gradi), un intime de Bossuet, mais aucun ne parvient à fléchir le roi de France. Ce dernier conserve la même prudente reserve à l'égard de Krsto Frankopan et Petar Zrinski, deux nobles croates qui lui demandent son aide dans le conflit qui les oppose à Léopold Ier. Les deux infortunés seigneurs sont décapités le 30 avril 1671 à Wiener Neustadt.

Le 12 septembre 1683, les Ottomans sont écrasés à Vienne par Sobieski et Jean de Lorraine ; délivrée du cauchemar turc, Raguse peut se tourner vers l'Autriche, ce qui la rend suspecte aux yeux de la France. En 1700, toutefois, Louis XIV encourage l'implantation commerciale française à Raguse comme en atteste une lettre du gouvernement à la Chambre de Commerce de Marseille : "...Excitez quelqu'un de ceux des négociants de Marseille qui sont les plus capables à mettre en oeuvre ce projet et à en profiter" (10). Sitôt dit, sitôt fait, les maisons Eydoux et Hercolez s'implantent à Raguse. En 1701, Louis XIV répond très aimablement au Sénat de Raguse qui le félicite pour l'accession au trône d'Espagne de son petit- fils Philippe V. Il faut dire qu'à Dubrovnik, la situation politique a sensiblement évolué avec l'apparition d'un groupe francophile qui réclame un rapprochement avec la France, et même l'enrôlement de matelots ragusains dans la marine française. En 1715, lorsque meurt Louis XIV, les relations sont bonnes, et le Régent Philippe d'Orléans peut, en réponse aux condoléances des Ragusains, leur écrire : "... je connoist l'attachement de Vostre République aux interests de cet Etat, et je souhaite que durant le cours de ma régence, il se trouve des occasions de Vous marquer l'estime que j'ay pour Vous" (8 mai 1716) (11) -. Tout aussi affable est la lettre que leur adresse le jeune roi Louis XV : "... Vous devez croire aussy, écrit-il, que Nous serons toujours bien aise de vous donner des marques de Notre estime et de faire sentir à Vostre République les effets de Notre protection. Sur ce, Nous prions Dieu qu'il Vous ayt, très chers et bien aimés, en Sa Sainte Garde". (12 mai 1716).

Le ministre Vergennes (1719-1787) mène une politique assez généreuse à l'égard des Dalmates, en dépit des nombreux conflits commerciaux dus à l'intransigeance du consul Le Maire, peu apprécié des Ragusains (12).

7. Cf. Nicolas Iorga, Voyageurs français dans l'Orient européen, Boivin et Gamber, Paris 1928, p. 38.

8. Soldat émérite, le Maréchal Comte de Rantzau est célèbre pour ses multiples blessures (60). Lorsqu'il se retira du service armé, il lui manquait un oeil, une oreille, un bras et une jambe.

9. Le recrutement de ce régiment fut une conséquence de la grosse impression faite par les troupes croates du comte Jean- Louis-Hector Isolani (1580-1640) durant la phase française de la Guerre de Trente Ans. Associées aux armées de Johann von Werth, ces troupes avaient occupé la Picardie, investi la ville de Corbie (1636) et causé un début de panique à Paris.

10. Archives de la Marine, citées par L. de Voïnoviæ, op. cité.

11. M. Deanoviæ, op. cité, pp. 154- 155.

12. Ils obtiendront son rappel le 9 janvier 1764.

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