Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 2/23

C. Dolbeau
Après ce tumultueux intermède, il faut attendre un peu plus d'un siècle pour que les terres croates reçoivent à nouveau la visite des hommes d'armes français. Il 's'agit, cette fois, de la IVe Croisade qui reste associée dans les mémoires au tristement célèbre saccage de Zadar. C'est en 1202, en effet, et à l'initiative du Doge vénitien Enrico Dandolo, que l'armée des barons de France met le siège devant cette ville du littoral adriatique. Cette bataille, qui débute un 12 novembre, n'aurait rien de notable si elle n'avait éclaté contre l'ordre formel du Pape Innocent III, comme l'a rapporté le chroniqueur Geoffroy de Villehardouin. Malgré les adjurations de Gui, Abbé des Vaux de Cernai, envoyé du Saint- Père, les Croisés attaquent la petite cité : le massacre est tel que tout est détruit, sauf les églises, et que les cadavres accumulés ne peuvent être ensevelis. Conscients de ces horreurs, certains barons, Simon et Gui de Montfort, Simon de Neauphle, Dreux de Cressonsacq, Enguerran et Huges de Boves, abandonnent la Croisade pour se joindre au roi de Hongrie. Lorsque les chevaliers s'en vont, Zadar n'est plus qu'un désert, "in recessu totam in solitudinem redegerunt..." (Historia Salonitana).

Un siècle plus tard, les Croates, peu rancuniers, acceptent comme suzerain le Français Charles-Robert d'Anjou (1288- 1342), arrière petit-neveu de Saint- Louis, sur le règne duquel on ne possède que peu de renseignements, puis à sa mort, son fils Louis Ier le Grand (1326- 1382) qui tente, contre Venise, de conquérir toute la Dalmatie, d'unifier et de centraliser son royaume. "Preux de grand style, homme de vastes conceptions" comme le définit Louis de Voïnoviæ, Louis d'Anjou était malheureusement versatile ("di subito movimento" nous dit Mateo Villani) : il mena contre Venise des campagnes sans énergie, fit appel à un lointain cousin, Humbert II, Dauphin du Viennois et Comte du Dauphiné, pour une médiation qui échoua, et ne fit point oeuvre impérissable en ses terres de Croatie.

Hormis cette étonnante présence d'une dynastie française sur le trône hungaro- croate (mais il y eut bien dans ces régions un prétendant catalan et même un Irlandais), on ne trouve, au XIVe siècle, que fort peu de faits notables dans les relations entre les deux pays.

Au temps de la Renaissance

Le XVe siècle n'est pas bien riche non plus. On sait toutefois que de nombreux pèlerins font escale à Raguse sur la route des Lieux Saints. Mirko Deanoviæ (5) mentionne par exemple des seigneurs français ("nobiles Francigene") qui passent quelque temps à Raguse en 1422 (6). Certains de ces voyageurs, comme Georges Langherand ou Denis Possot, ont même laissé dans leurs écrits la description de leur séjour. C'est également l'époque où les négociants dalmates s'efforcent d'étendre leur réseau commercial en Europe en sollicitant la bienveillance de différents monarques. Dans le cas de la France, il semble qu'en 1498, l'évêque ragusain Giovanni Sacchi ait obtenu pour sa ville divers privilèges du roi Louis XII, privilèges grâce auxquels Marseille, Nice, Villefranche ou Lyon établissent des relations suivies avec Dubrovnik.

Le XVIe siècle voit, quant à lui, se régulariser les échanges diplomatiques entre la France et Raguse. Recommandé par l'archevêque Trivulce dont un frère, Teodoro, est gouverneur de Lyon, Bartolomej Bogisiæ est dépêché en ambassade auprès de François Ier. Dans le même temps (1535), Saro Gucetiæ (Séraphin de Gozo ou Gozze) apporte au roi de France trois chevaux que lui offre Ibrahim-pacha. Engagé dans une lutte sans merci contre Charles-Quint, François Ier est conduit à nouer des relations avec les Ottomans et à se mêler de la succession de Hongrie. Pour ce faire, il a régulièrement recours à divers agents dont Antonio Rincon et César Cantelmo, mais aussi les Croates Saro Gucetiæ, Stjepan Brodariæ et Franjo Trankvil Andreis. Les partenaires du monarque français ont également recours à l'entregent des diplomates croates, comme en témoigne le rôle important d'Antun Vranciæ, le secrétaire de Jean Zapolyai. Cette coopération franco-croate se poursuit sous les successeurs de François Ier, et l'on sait, par exemple, qu'Andrija Bundiæ vient demander à Charles IX l'autorisation d'importer à Raguse du blé de Provence. Un autre émissaire, le Père Djuro Cucetiæ, assiste même, à Vincennes, aux derniers instants du roi (mai 1574).

5. Anciens contacts entre la France et Raguse, Institut Français de Zagreb, 1950, p. 9.

6. A la même époque, la ville de Raguse complète son réseau de fortifications, un chantier auquel collabore le maître-maçon français Olivier.

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