Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 18/23

C. Dolbeau
C'est la naissance du comte de Chambord qui lui fournit, cette fois, l'occasion d'exprimer ses sentiments monarchistes, au travers de trois odes latines qu'il dédie à la duchesse de Berry (86). Nul ne sait si ces oeuvres de complaisance eurent l'effet escompté, mais deux ans plus tard, le gouvernement lui accorde enfin un nouveau poste, celui de Tripoli, au Levant. C'est en gagnant ce poste qu'il meurt subitement, lors d'une escale à Chypre, le 25 novembre 1823. "Il finissait ainsi loin de tout ce qui lui avait été cher, remarque Jean Dayre, (87) de la France dont il avait gardé le culte et qu'il avait servie avec dévouement, de Raguse qu'il avait aimée d'un sentiment filial et qu'il regrettait nostalgiquement depuis des années".

Le déclic illyrien

Dès le début du XIXe siècle, deux livres viennent compléter les connaissances des Français sur la Croatie et la côte dalmate : en 1802, Joseph La Vallée publie son "Voyage pittoresque et historique de l'Istrie et de la Dalmatie, rédigé d'après l'itinéraire de L. -F. Cassas" (Edition Née), et en 1809, paraît le "Tableau géographique et politique des royaumes de Hongrie, d'Esclavonie, de Croatie et de la grande principauté de Transilvanie" de J. A. Demian (traduit de l'allemand et publié par M. M. Roth et Raymond, chez l'imprimeur S. C. L'Huillier). En dehors du cas de Bruerović dont la parfaite dualité culturelle reste aussi emblématique qu'exceptionnelle, l'occupation française de la Dalmatie suscite, bien sûr, un très net regain de curiosité pour le littoral adriatique et sa population. L'un des premiers à faire part au public de ses observations est l'attaché d'ambassade Charles Pertusier qui fait paraître en 1815 une longue notice sur la Dalmatie dans ses "Promenades pittoresques dans Constantinople et sur les rives du Bosphore". En 1822, il publie aussi un ouvrage consacré à "La Bosnie, considérée dans ses rapports avec l'Empire Ottoman" (Editeur Ch. Gosselin). De son côté, le chevalier Bernardini publie, en 1823, son "Discours sur la langue illyrienne et sur le caractère des peuples habitant la côte orientale du golfe adriatique".

Consul de France à Jannina (chez Ali Pacha de Tebelen) et ami de Bruerović, le médecin François Charles de Pouqueville est passé à Dubrovnik quelques semaines avant l'arrivée des troupes françaises (88) et il raconte ce qu'il y a vu dans un livre qui paraît en 1820, le "Voyage dans la Grèce" (Editeur Firmin Didot), où il exprime une réelle sympathie pour Raguse et ses habitants. "D'où venait ce prodige d'obéissance, écrit-il, dans un pays où il n'y avait ni gendarmerie, ni force armée, ni police secrète, si ce n'était du respect antique pour une noblesse, qui n'ayant rien de militaire, était par conséquent paisible et toute débonnaire envers ses vassaux" (p. 21). Et il conclut par ce bienveillant constat : "La douceur des Ragusais, les lumières des classes jadis privilégiées, la bonté de ce peuple en général, son excellent naturel, me porteront dans tous les temps à faire des voeux pour son bonheur, qui doit maintenant égaler en durée celui des peuples soumis à l'autorité paternelle de la pieuse dynastie des Césars d'Autriche". (p. 29).

Plus coloré est le récit d'Amédéé Chaumette Des Fossés (1782-1841) (89) qui fait paraître en 1822 son "Voyage en Bosnie dans les années 1807 et 1808" dont nous extrayons l'amusante citation suivante : "Quand un Bosniaque se lève, il commence par boire un grand verre d'eau de vie de prunes sauvages (slibovitz). Un peu avant le dîner, il en boit au moins deux autres, en mangeant des patisseries. Pour étouffer la chaleur épouvantable que cette boisson lui donne à l'estomac, il dévore son potage à l'oignon et aux navets, coupés par petits morceaux, et sans pain ; son ragoût horrible de viande de mouton fumée grossièrement (pasterma) et ses choux aigres.

86. In faustis natalibus ac sollemnibus sacri baptismatis caeremoniis a Deo Galliae dati optatissimi principis Nenrici Burdigalae ducis Carmina, typis J. G. Dentu, Paris 1821. La traduction italienne parait la même année sous le titre suivant : Versione di ne odi latine del cavalier Marco Bruère- Desrivaux, composte in occasione delle solennita del sacro battesimo di sua altezza il real principe Enrico di Bordeaux, tradotte dallo stesso autore ad Gso di sua altezza reale Carolina Ferdinanda Luigia... duchessa vedova di Berry, Parigi, presso A. Béraud, 1821.

87. Mar-c Bruère Desrivaux, Jean Dayre, p. 157 - 158.

88. Il était en compagnie de César Berthier, neveu du général, et du colonel Julien Bessières.

89. Jean-Baptiste Gabriel Amédée Chaumette des Fossés est un personnage extrêmement curieux. Consul à Constantinople, Bucarest, Stettin et Göteborg, il parlait l'arabe, le turc, le persan et siègea à l'Académie de Stockholm. Inspecteur général du commerce français au Pérou, il explora la Pampa del Sacramento dont il dressa la carte, avant d'enseigner le Droit romain à l'Université de Lima.

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