Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 19/23

C. Dolbeau
On sert ensuite une copieuse soupe aux haricots ; et le repas finit par un renouvellement de boisson d'eau-de-vie. (...) En été, les Bosniaques ne vivent presque que de melons d'eau, de concombres, etc, qu'ils mangent crus. C'est mettre de la cérémonie dans un festin que d'y servir un agneau, rôti à la manière turque, c'est à dire tout entier, et farci de riz avec les intestins hachés. Les naturels boivent peu d'eau. Ils prétendent que sa crudité occasionne des coliques, donne des goîtres, et fait tomber les dents : ce qui peut être vrai pour les eaux de source. C'est apparemment pour obvier à ce mal qu'ils boivent tant d'eau- de-vie, qu'on peut regarder cette liqueur comme la principale boisson du pays, et que l'on accoutume un jeune homme à en user, comme ses pères. du moment qu'il atteint l'âge de puberté". (pp. 52-53) (90) La Bosnie et l'Herzégovine suscitent l'intérêt d'un nennbre croissant de chercheurs et de littérateurs. En 1840, le géographe Ami Boué publie "Les Slaves de Turquie" (Editeur Arthus Bertrand), un titre que reprend le professeur Cyprien Robert pour son ouvrage qui paraît en 1844 chez l'éditeur L. Passard. En 1855, Aristide-Michel Perrot signe un "Itinéraire de la Turquie d'Europe et des provinces danubiennes" (Editeur Tanera) et Massieu de Clerval un "Rapport sur une mission en Bosnie" (Archives des missions scientifiques et littéraires, tome V), tandis que l'archéologue Charles-Emile Yriarte édite "Bosnie et Herzégovine" (Plon 1876). Dans un genre plus littéraire, Guillaume Capus (91) publie "A travers la Bosnie et l'Herzégovine" (Hachette 1896), et la comtesse Mathilde Colonna des "Contes de Bosnie" (P. Lamm 1898).

L'Illyrie et ses différentes provinces restent cependant le sujet de prédilection des auteurs français parmi lesquels les militaires ne sont pas en reste ; plusieurs d'entre eux (Marmont, Fabvier, Tromelin, Vialla de Sommière) publient, en effet, leurs souvenirs de garnison. Certains administrateurs civils font de même, comme cet Amédée Massé, secrétaire du général Bertrand, qui a laissé des "Souvenirs de mon séjour en Illyrie et de mes voyages avec le général comte Bertrand, gouverneur des provinces Illyriennes, en 1812, 1813 et 1814". Partiels et souvent très partiaux, ces témoignages fournissent une profusion de renseignements, mais il faut attendre la fin du siècle (1893) pour que la Dalmatie napoléonienne fasse enfin l'objet d'une étude scientifique exhaustive, grâce au chanoine Paul Pisani qui publie "La Dalmatie de 1797 à 1815" (Editeur Picard et fils, Paris). Signalons également, pour mémoire, les ouvrages de Charles- Emile Yriarte ("Les bords de l'Adriatique et le Monténégro", Hachette 1878), de Stanislas de Nolhac ("La Dalmatie", Plon 1882) et du vicomte Caix de Saint-Aymour ("Les pays sud-slaves de l'Austro- Hongrie", Plon-Nourit 1883), ainsi que les nombreux articles de la "Revue des Deux Mondes" (par Hyppolite Desprez, Georges Perrot, Albert Dumont, etc).

Du côté des écrivains, l'Illyrie est également une source d'inspiration. Directeur pendant quelques mois du "Télégraphe Illyrien" (92), le journal officiel des provinces françaises, Charles Nodier (1780-1844) se signale tout de suite comme un ami du peuple et de la culture croates.

90. Il est intéressant de comparer le portrait (du Bosniaque) que dresse Chaumette des Fossés avec celui (de l'habitant des confins) que signe Albert Dumont, cinquante ans plus tard ("Souvenirs de l'Adriatique", in Revue des Deux Mondes" du I er octobre 1872, pp. 685 - 686) : "Le paysan slave n'a jamais eu à redouter le contact de la civilisation. Les villes de la côte tenaient à ce qu'il restât barbare : telle était aussi la politique de Venise ; elle rendait ainsi impossible la réconciliation entre la noblesse et les habitants des campagnes, elle maintenait sur les confins ottomans une population sauvage qui était son meilleur rempart contre les Bosniaques. Ce paysan, le morlach', comme on l'appelle d'un mot dont le sens est incertain, mais qui parait signifier les Valaques de la mer, n'a jamais rien appris ; il en est encore aux moeurs des premiers jours, pauvre, courageux, ami de l'indépendance, fier des riches couleurs de son costume, de ses broderies faites par les femmes à la maison, de son fusil qu'il ne quitte jamais. Grand, élégant, la taille bien prise, les jambes serrées dans un pantalon collant qui s'arrête aux genoux, les pieds chaussés de l'opanké, morceau de cuir de boeuf noué avec des lanières, la petite veste aux manches flottantes sur les épaules, la toque de soie rouge sur la tête, il semble être un personnage détaché des tableaux vénitiens..."

91. Guillaume Capus (1857-1931) explora la Sibérie et le Turkestan avant de collaborer avec Jules Janssen. Au début du XXe siècle, il fut directeur de l'agriculture, des forêts et du commerce en Indochine.

92 Le Télégraphe Illyrien commença à paraître le 3 octobre 1810 ; il devait avoir quatre éditions, française, italienne, allemande et illyrienne, mais cette dernière ne vit jamais le jour. Les directeurs furent succèssivement M. M. Benincasa, Beaumes, Paris et Nodier. Cf. Les journaux français dans les provinces illyriennes pendant l'époque impériale, Paul Pisani, in Bulletin Critigue VIII - 1 887, pp. 433 - 435 ; et du même auteur, une étude consacrée au Télégraphe, in Bulletin Critique du 15 novembre 1888.

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