Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 22/23

C. Dolbeau
Dans "Hrvatsko pravo" (13 avril 1900), le romancier Antun Gustav Matos (103) confirme haut et fort cette inclination francophile : "... La supériorité spirituelle de la France, affirme-t-il, se situe dans l'esthétisme - si je puis dire - de l'esprit français. Ce sens de la beauté, ce bon goût se manifestent aux quatre coins du monde dans tout ce que fait la France. Aujourd'hui encore, c'est à Paris qu'on écrit le mieux, qu'on tient le discours le plus choisi, qu'on vit le plus agréablement. Aujourd'hui encore, c'est là que se trouve le foyer des innovations esthétiques, le foyer de la beauté, de l'art, de la littérature..." (104).

D'autres grands écrivains, comme Vladimir Nazor, Mazuraniæ ou Eugen Kumiçiæ, se consacrent également à la traduction ou à l'exégèse des oeuvres de George Sand, Flaubert et Zola (un auteur qui avait d'ailleurs des origines croates). Des talents plus "mineurs", Drazenoviæ, Matavulj, Kozarac, Tomiæ ou Kovaciæ, s'attachent, quant à eux, à l'introduction en Croatie d'une kyrielle d'auteurs français un peu oubliés aujourd'hui, comme Bérenger, Paul de Kock, Augier, Sardou, Scribe, mais aussi Daudet, Jules Sandeau, Musset, Jules Verne ou Erckmann-Chatrian (105). A cette époque, les scènes zagreboises reçoivent fréquemment des troupes françaises et Sarah Bernhardt se produit à plusieurs reprises dans la capitale croate. Dans le domaine des arts, l'attrait de la France n'est pas moindre : le sculpteur Robert Franges Mihanoviæ vient étudier auprès de Rodin, le peintre Vlaho Bukovac auprès de Cabanel, tandis que Josip Raciæ et Miroslav Kràljèviæ s'attachent à Manet, Degas et Cézanne.

A l'aube du XXe siècle et à la veille de la Première Guerre mondiale, la culture française apparaît comme la grande référence des élites croates. Fruit d'un long processus historique et d'une indéniable communion spirituelle, cette situation exceptionnelle va, hélas, sévèrement pâtir des bouleversements de 1914-18 qui mettent la France et la Croatie dans deux camps antagonistes, jettent la Croatie dans la funeste trappe yougoslave, et ouvrent en France une ère nouvelle, celle de l'amitié exclusive avec la Serbie. Certes, la France conservera toute son aura et ses relations se poursuivront avec la Croatie, mais dans un cadre yugoslave qui tend à diluer la sensibilité croate et à oblitérer le plus possible sa spécificité.

Christophe Dolbeau

103. Exilé à Paris, Antun Gustav Matos (1873-1914) s'y était lié wec le caricaturiste André Rouveyre et l'historien Maurice Toussaint (qui signera une "Chronique croate" dans la revue "Marches de l'Est"). II aimait se définir comme un "combattant pour la libération nationale et l'amitié franco- croate" (Borac za narodno oslobodenje i francusko-hrvatsko zblizenje).

104. A l'Exposition Universelle de 1900 - lmpressions, A. G. Matos, in La Croatie, Journal of Croatian Literature no 3-1992, Most, Zagreb 1991, p. 146.

105. Beaucoup d'autres Français, généralement de moindre renom, sont également traduits à cette époque. Tel est le cas de Bayard, Grand-Jean, d'Ennery, Descourcelles, Ohnet ou Gondinet. Cf. La part de l'étranger dans le répertoire du théâtre national de Zagreh, Ivo Hergesiæ, in Revue de Littérature Comparée, janvier - mars 1934, pp. 109-131.

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