Cardinal Stepinac
LE CARDINAL STEPINAC: Martyr des droits de l'homme
M. Landercy
C'est un mensonge de dire qu'il a été passif au temps des Oustachis. L'auteur de ces lignes n'a rencontré à Zagreb, en ce temps là, personne qui eût davantage condamné leurs actes inhumains. Ils le savaient et c'est pour cela qu'ils lui vouaient de la haine. Lors d'une de nos rencontres, Stepinac était au bord des larmes à cause des actes barbares et honteux de Pavelic et du Pacte de Rome signé par "Poglavnik" (Pavelic). Ce Pacte laissait à Mussolini la plus belle partie de la Croatie, la Dalmatie, et demandait en "retour" un Prince italien comme roi!

"C'est l'acte le plus honteux de toute l'historie croate", disait Stepinac en colère.

Au cours d'une Conférence épiscopale à l'Archevêché de Zagreb, qui devait étudier la position des Supérieurs religieux à l'égard du Gouvernement, les Evêques, sous la présidence de Mgr Stepinac, décidèrent d'aller en députation chez Pavelic pour protester et lui demander d'arrêter les persécutions. Stepinac proposa à l'Archevêque Saric de parler en leur nom à tous et de rédiger sa protestation. Ce dernier s'exécuta.

En ce qui concerne la participation de Stepinac à des actes ayant pour but de forcer la main aux Juifs et aux Orthodoxes pour les faire passer au catholicisme, le cas suivant suffira comme démenti à cette accusation. Le curé de la plus grande paroisse de Zagreb a montré à l'auteur de ces lignes, les instructions reçues de l'Archevêque:

"Si des personnes de religion orthodoxe ou juive, dont la vie est en danger, viennent vous voir pour passer au catholicisme afin de sauver leur vie, recevez-les dans ce but; ne leur demandez pas d'instruction religieuse approfondie, car les Orthodoxes sont chrétiens comme nous et c'est du peuple juif qu'est issu le catholicisme. Le devoir chrétien est d'abord de sauver des hommes. Lorsque la folie actuelle et cette sauvagerie seront passées, ceux qui sont entrés dans notre Eglise par conviction, y resteront et les autres, le danger passé, rentreront dans leur Eglise."

Parmi les accusations contre Stepinac, un des plus grands mensonges est certainement sa soi-disant collaboration avec le régime mis sur pied par l'occupant du pays. Au printemps 1942, il m'a montré tout un tas de lettres de menaces sur son bureau, et, par-dessus, la grosse pierre reçue à l'épaule de la main d'agents de l'occupant lors d'un déplacement dans la banlieue de Zagreb. Ces lettres menaçantes provenaient des chefs d'état-major des Oustachis ainsi que de la Gestapo; elles étaient écrites en allemand et en croate; leur contenu était toujours le même:

"Nous savons que vous êtes le plus grand adversaire de notre idéologie, mais si vous continuez, nous allons vous tuer dans la rue comme un chien. Votre ceinture violette de Rome ne vous sera alors d'aucune aide."

Si les nazis ou les fascistes ne l'ont pas fait, ce fut peut-être vraiment à cause de la ceinture. Mais les communistes se sont montrés plus courageux! Ils ont passé outre. Ils savaient pourtant que Stepinac avait sauvé des milliers d'enfants serbes et de partisans. Ils savaient que les partisans venaient de nuit chez la mère de l'Archevêque, qui leur donnait à manger à chaque fois. Ils savaient que les nazis avaient fusillé son frère comme collaborateur des partisans. Au début du procès, le Gouvernement a été suffisamment prévenu que toutes les menaces de l'occupant n'avaient pas découragé Stepinac, et qu'il avait lui- même rassemblé des documents sur le terrorisme de l'occupant dans notre pays. Ils savaient qu'il avait passé tout seul au prix de sa vie, ces documents à Rome et les avait donnés au Pape.

Quant à la prise de position de Stepinac pendant la guerre, notre peuple aussi bien que les Alliés étaient au courant. J'avais averti le régime de Tito, par l'intermédiaire de leurs représentants à Rome, et cela au moment même où l'Archevêque était jugé, que le régime, sans aucun doute, allait moralement perdre le procès quoiqu'il fasse de Stepinac, même physiquement...

... D'ailleurs quand ils se sont aperçus d'avoir en effet perdu le procès moralement, ils ont changé la détention de Stepinac en le transférant d'une prison ordinaire au presbytère de son village natal, chez le curé de Krasic, où il devait être surveillé jour et nuit par des gardiens nombreux qui lui défendaient toute relation avec le monde extérieur, soit personnellement, soit par lettres. Les partisans du Régime appelaient cela "Libération de prison"!

Revenant au cas de Stepinac, par amour de la vérité, il faut que je cite le fait suivant. Lorsque j'appris que le détenu de Krasic était gravement malade, j'ai écrit au Maréchal qu'il devait le savoir aussi et que j'espérais qu'il ferait preuve de respect envers ce compatriote courageux et homme de caractère, et cela bien qu'ils soient d'idéologies opposées. J'ai reçu la réponse peu de temps après. Le Maréchal me faisait dire qu'il savait que l'Archevêque était réellement malade et qu'on lui avait proposé trois médecins qu'il avait refusés parce que, sans doute, il n'avait pas confiance en eux; qu'on lui avait fait dire alors de se choisir lui-même ses médecins, en qui il aurait confiance.

Ces lignes ne sont pas écrites pour défendre Stepinac, pas plus que par haine contre ceux qui lui ravirent la liberté. La défense de Stepinac, c'est déjà son attitude devant le Tribunal, puis son comportement pendant ces dix ans de détention. Pour ceux qui l'ont jugé, l'accusation même est la preuve qu'ils ont consciemment condamné un homme innocent, qui s'est levé pour défendre la foi et les sentiments de son peuple, au service duquel il est resté, même pendant sa détention. Ceux qui voulaient l'humilier l'ont exalté.

En ce dixième anniversaire de sa détention, nombreux sont ceux qui, comme moi, se posent la question de savoir si le régime communiste en Yougoslavie va changer de tactique envers Stepinac et envers l'Eglise et reconnaître qu'il fait fausse route jusqu'à présent, tout comme les Russes ont fait envers Tito... "

South Bend, U.S.A., 18-8-1956. ("Stepinac mu je ime", tome I: Recueil de souvenirs, témoignages et documents, préparé par Vinko Nikolic, éd. Knjiznica Hrvatske revije, München-Barcelona, 1978, pp. 446-451. )

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