Mirko Tomasovic: Marko Marulic

Marko Marulic
Marcvs Marvlvs

Mirko Tomasovic

Cet ouvrage, dans son original latin, après ses éditions en Italie, a été publié en Suisse, en Allemagne, en Belgique et en France. A Bâle, par exemple, il a été imprimé trois fois (1513, 1518, 1555); à Cologne, huit fois (1530, 1531, 1532, 1536, 1540, 1597, 1609, 1686); en France, une fois (Paris, 1584); à Anvers, six fois (1573, 1577, 1579, 1584, 1593, 1601). Il a été traduit en italien et a eu douze éditions; les deux traductions allemandes ont eu huit éditions; les deux traductions françaises sept éditions; la traduction portugaise, deux éditions. Ce livre a de plus été traduit en espagnol, et partiellement en tchèque, en japonais, et naturellement en croate, dans le cadre des œuvres complètes de Marulic.

Il a été confirmé que cette oeuvre, en même temps que la Bible, faisait partie des livres emportés par saint François Xavier sur lui, dans ses voyages missionnaires en Extrême-Orient; que saint Ignace de Loyola la lisait avec respect et que les collèges de la Société de Jésus l'avaient adopté dans leur cursus; que saint François de Sales, saint Pierre Canisius et saint Charles Borromée la citaient dans leurs ouvrages, et que Francisco de Quevedo l'estimait.

Malgré le fait que cette œuvre était devenue une des lectures préférées de saints docteurs et prédicateurs, l'œuvre a trouvé sa place dans la liste des livres interdits par la censure, et quelques traductions portent la trace des décisions des facultés de théologie. Le libraire A. M. Caroli, qui détenait un exemplaire de l'Institutio non expurgé, se le vit confisquer et brûler en public à Sienne, en 1565, en même temps que le livre de Machiavel.

Dans sa structure, l'Institutio est formée de petites unités sur des sujets différents, comme beaucoup d'ouvrages composés en forme de mosaïque, mais avec une verticale qui en forme la composante principale. Cette composante, c'est Dieu, et un mode de vie religieux, que Marulic expose en six livres, un pour chaque jour ouvrable de la semaine, et en 71 chapitres.

Les préceptes de son enseignement religieux, articulés selon les trois vertus de Foi, d'Espérance et de Charité, sont éclairés par la présentation d'anecdotes tirées de la Bible et des Vies des Saints, tandis que les thèses de la vie morale sont encadrées de séquences narratives de manière à éviter au discours de devenir statique ou monotone. Il avait pris pour modèle le Dictorum factorumque memorabilium de Valère Maxime, dont il possédait un exemplaire dans sa bibliothèque. En fait, l'ouvrage de Valère Maxime, composé dans les premières décades de l'ère chrétienne, lui a servi de modèle pour l'emploi des références et des anecdotes des hagiographes, mais il rejette les exemples antiques et se limite à la Bible, aux écrits des Pères, et en premier lieu de saint Jérôme, qui sont ses autorités. En raison du genre littéraire adopté, l'Institutio se présente comme un ensemble de récits brefs et de maximes, un mélange de didactique et de sagesse, et d'un point de vue religieux, comme des avis fondés sur l'expérience chrétienne, mais en constante référence avec l'enseignement de la Bible.

Carmen de doctrina Domini nostri Iesu Christi pendentis in cruce

Intéressant est le destin de la poésie de Marulic, Carmen de doctrina Domini nostri Iesu Christi pendentis in cruce (Christianus interrogat, Christus respondet), ajoutée à l'Institutio en 1507, et dans les autres éditions de cet ouvrage en texte original. Les traducteurs de l'Institutio ont régulièrement omis cette poésie, à part Paul Du Mont, dans sa traduction française. Par contre, le Carmen a inspiré de nombreuses traductions, versions ou adaptations en dehors du contexte de l'Institutio. Il a été traduit en croate cinq fois (en comprenant l'autotraduction de l'auteur), en tchèque deux fois, en anglais, en espagnol, en italien et en slovène, autant que l'on sache, une fois; mais c'est en français qu'il a trouvé les échos les plus nombreux, avec douze traductions et soixante-deux éditions. Cette diffusion exceptionnelle est surtout due au fait que Luis de Sarria (c'est-à-dire Fray Luis de Granada) l'avait traduit et inclus dans ses œuvres célèbres, le Mémorial de la vie chrétienne et les Additions au Mémorial de la vie chrétienne (1561; 1571), œuvres traduites, pendant la vie de leur auteur, en de nombreuses langues de l'Europe. La version espagnole de Louis de Grenade, très soignée et fidèle à l'original, fut ainsi transposée dans les autres langues par les traducteurs de toutes les éditions des livres ascético-mystiques indiqués.

Et du fait que le Mémorial de la vie chrétienne a été traduit en 1606 par les missionnaires en Chine, on peut supposer que Carmen existe également en langue chinoise.

Cette composition de Marulic appartient au genre de dialogues appelés " disputes de la Croix ", où le chrétien interroge Jésus sur la croix, et celui-ci lui répond et l'instruit. Ce schéma traditionnel, utilisé dans la poésie religieuse médiévale, mais repris par les humanistes (Erasme l'a utilisé dans ses poésies spirituelles), a servi à Marulic de cadre pour sa propre création artistique, spirituelle et mystique et pour la reprise de souvenirs bibliques, agencés dans de parfaits distiques élégiaques. Il est significatif que dans la composition de cette poésie, Marulic ait utilisé quelques vers de ce poème de Pétrarque dédié à l'Italie, ainsi que le sonnet La vita fugge e non s'arresta un'ora, ce qui indique aussi les tendances de cette poésie de Marulic.

Le Carmen est, de toutes ses œuvres, celle qui a connu la réception la plus durable, car il n'a cessé d'être publié et traduit, depuis le début du XVIe siècle, jusqu'à nos jours. Il se rattachait au courant issu de ce renouveau spirituel qu'était la Devotio moderna: né aux Pays-Bas, où il marquera les premières œuvres d'Erasme, il se développera en France, à Cologne et jusqu'à Venise. L'influence de ce mouvement, d'un profond accent mystique et ascétique, est évidente dans l'œuvre de Marulic, et c'est sans doute aussi pour cette raison que Louis de Grenade a inclus le Carmen dans son choix. C'est un poème d'apparence simple, de soixante-dix-huit vers seulement, en forme de dialogue dans sa première partie, où le Christ répond à sept demandes du chrétien; en forme de monologue dans sa deuxième partie, parce que le Christ invite le monde à mener une vie dévote, à travers l'évocation visionnaire du Jour du Jugement. La seconde partie de cette poésie est constituée de cinquante vers, et, poétiquement, c'est un ensemble inspiré de la littérature apocalyptique, avec de visibles ornements humanistes (à partir de la mythologie, par des métaphores liées les unes aux autres, il associe Vénus et le Tartare, tout en adoptant l'élégante forme métrique du distique élégiaque).

Evangelistarium

Au point de vue de la notoriété, après l'Institutio arrive l'Evangelistarium qui, du point de vue théologique est peut-être un texte encore plus important. Il a connu une vingtaine d'éditions et de traductions en italien, espagnol, croate et, partiellement, en flamand et en français. L'Evangelistarium a été imprimé pour la première fois en 1487, à Reggio d'Emilie, selon les indications des manuscrits du Vatican. Ce n'est évidemment qu'une hypothèse, tandis que l'édition de Venise de 1500 est sûre, puisqu'elle est confirmée par d'autres sources. Comme on n'a conservé que des exemplaires de l'édition de 1516, c'est cette édition qui est regardée comme édition princeps. Aux dernières pages, se trouve ajoutée une poésie de caractère spirituel: la version latine, composée par Marulic, de la dernière canzone des Rime sparse de Pétrarque (" accedit Carmen ad Virginem beatam Francisci Petrarchae, ex Tusca in Latinam linguam a Marco Marulo versum ").

CONTINUA | PRINCIPIO DEL LIBRO | HOME

Studia Croatica
______________________________________
Studia Croatica Studia Croatica Blog Studia Croatica - Lexicon www.croacia.com.ar . . . .