FRANCE - CROATIE | 1/23 |
Dès le Moyen-Age
Il semble, en effet, que la
première
grande apparition des Français en
Croatie
remonte au XIe siècle, avec le
passage en
Dalmatie (1081-1085) des armées
normandes
de Robert Guiscard. L"avisé
Robert", à
bien y regarder, n'était pas tout
à fait
français puisque la Normandie
échappait
encore à l'autorité des
rois de France.
Originaire du Cotentin, nous le
considérerons quand même -
avec un peu
moins de 200 ans d'avance - comme un
chevalier de France. Venu défier
Alexis
Comnène dans son fief, on sait en
tout
cas que le Normand reçut l'aide
des
archers dalmates et le renfort des
galées
de Raguse.
Quelques années plus tard, en
1096-1097,
c'est à nouveau une
expédition militaire,
la Première Croisade, qui
ramène les
Français en Dalmatie. Partis "de
Bourgogne, d'Auvergne, de Gascogne, de
Gothie et de Provence", ce sont quelque 1 200
cavaliers et 10 000 fantassins que le
Comte de Toulouse, Raimond IV de Saint-
Gilles, et Adhémar de Monteil,
l'évêque
du Puy, conduisent en Terre Sainte. Dans
cette armée, il y a toute la fleur
de la
noblesse du Midi de la France, Raimond de
Turenne, Guilhem V de Montpellier,
Rambaud d'Orange, Raimond du Forez,
Isoard de Gap ou Gaston de Béarn.
Il y a
aussi un chroniqueur, Raimond d'Agiles,
le chapelain du Comte de Toulouse, qui
nous a laissé, dans son "Historia
Francorum qui ceperunt Hierusalem" (1),
un précieux témoignage sur
les
pérégrinations des
Croisés. Arrivés par
l'Italie du Nord, ceux-ci entreprennent
de longer la côte dalmate (ou
l'Esclavonie comme on disait alors),
"déserte, montagneuse,
dépourvue de
chemins, dans laquelle nous ne
vîmes
pendant trois semaines ni animaux ni
oiseaux" (2)>. "Enfermés dans leurs
remparts, écrit Louis de
Voïnoviæ (3),
les habitants des villes du littoral
paraissent n'avoir eu aucun contact avec
les Croisés". Le moins que l'on
puisse
dire, c'est que l'accueil des autochtones
n'est guère sympathique: "Les
habitants
effrayés, raconte J. F-A.
Peyré (4),
s'enfuyaient dans les montagnes avec tout
ce qu'ils possédaient, et se
cachaient
comme des bêtes fauves dans
l'épaisseur
des forêts. (...) Les Esclavons-
Dalmates,
comme les nomme Guillaume de Tyr, qui
avaient en leur qualité
d'indigènes une
parfaite connaissance des lieux,
suivaient à mi-côte la ligne
des montagnes, et, du fond des retraites qui
les abritaient, ne cessaient de harceler
les Croisés, qui ne savaient
comment se
mettre en garde contre des ennemis
insaisissables et des attaques aussi
soudaines que multipliées". C'est
apparemment sans rencontrer le souverain
croate Petar Svaciæ (dont la capitale est
à Knin) que la colonne poursuit sa
route
vers le sud. Excédé par les
assauts
répétés dont sont
victimes les civils et
les malades qui suivent sa troupe,
Raimond de Saint-Gilles applique aux
quelques prisonniers qu'il réussit
à
faire un traitement qui pour ne pas
être
très chrétien doit
être très dissuasif :
ainsi leur fait-il arracher les yeux,
couper les pieds ou encore le nez et les
mains, avant de les abandonner. De part
et d'autre, les attitudes sont donc fort
peu favorables à une quelconque
fraternisation...
Parvenus en Croatie Rouge (au sud de la
Neretva), les Croisés semblent
rencontrer
un meilleur accueil. L'historien Orderiæ
Vital parle même d'un
échange de cadeaux
entre le Comte de Toulouse et le roi des
Esclavons ("Sclavorum Rex") Bodin,
à
l'occasion de leur rencontre à
Shkodar.
1. Cf. Recueil des Historiens des
Croisades - Historiens Occidentaux, vol.
III, Académie des Inscriptions et
Belles-
Lettres, Paris 1841-1906.
2. Raimond d'Agiles, cité par
Pierre
Barret et Jean-Noel Gurgand, Si je
t'oublie Jerusalem, Hachette, Paris 1982,
p. 161.
3. Histoire de la Dalmatie, Hachette,
Paris 1934, p. 354 (tome 1)
4. Histoire de la 1ere Croisade, Durand
et Giraudier Libraires, Paris-Lyon 1859,
pp. 190-191.
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Adriana Smajic
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